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Conférences et Etudes
Cette section contient de multiples conférences et études se portant sur des domaines variés, tels que : l'église, la bible, l'apologétique, l'évangélisation, et autres. Les présentations sont faites sous des formats vidéos et audios via notre chaine YouTube.
Conférence Apologétique
Divers
Le bonheur d'être "pauvre en esprit"
MISE EN PERSPECTIVE
L’introduction du premier discours public du Christ débute avec le mot heureux. Précédemment, nous avons expliqué en quoi le discours du Christ se distingue des autres discours sur la notion de bonheur[1]. Bien avant d’analyser l’expression “ pauvre en esprit” qui est l’objectif de ce texte, il serait important de faire quelques remarques préliminaires. Premièrement, il est important de faire remarquer que le bonheur, dans la perspective de Christ, vient en réalité comme le résultat d’une attitude affichée par un individu dans un cadre relationnel avec son Dieu créateur. C'est le caractère de quelqu'un qui est régénéré par le Saint Esprit. Ce qui, deuxièmement, amène à souligner que les éléments caractéristiques présentés dans les béatitudes ne sont applicables qu’à ceux qui sont déjà nés de nouveaux (Jean 3:3,5). Cela s’explique, d’abord, par le fait que la promesse faite dans la première béatitude est le ciel (Matt.5:3). Ensuite, Christ encourage ceux qui sont persécutés à cause de
son nom d’être dans la joie parce que leur récompense sera grande dans le ciel (Matt.5:12). Cela dit, il faut être serviteur de Christ pour accepter de souffrir pour lui. D’ailleurs, Jésus montre clairement que le monde exprime clairement de l’antipathie envers lui et envers tous ceux et toutes celles qui le suivent. Si le monde vous hait, sachez qu'il m'a haï avant vous. “Si vous étiez du monde, le monde aimerait ce qui est à lui ; mais parce que vous n'êtes pas du monde, et que je vous ai choisis du milieu du monde, à cause de cela le monde vous hait” (Jean 15:18-19). En dernier lieu, ceux qui prétendent que les béatitudes constituent un code d’éthique pour guider la société d’aujourd’hui font fausse route. De ce fait, les béatitudes ne peuvent aucunement être appréhendées comme un code d’éthique. De préférence, elles doivent être expliquées comme les éléments constitutifs formant le caractère du Chrétien.
Comme nous allons le voir sous peu, dans le développement de notre réflexion sur la première béatitude, l’enseignement de Christ sur le bonheur décrit l’attitude interne du chrétien dans une relation profonde avec son Dieu. Certes, une telle attitude pourrait se manifester aux yeux du monde comme un comportement moral façonné par des principes religieux, mais Christ discute surtout l’attitude du chrétien dans sa relation avec son Dieu.
En fait, Christ enseigne que ce sont les pauvres qui hériteront le ciel. C’est pourquoi ils doivent être heureux. Par ailleurs, il faut faire remarquer que Luc, dans son récit, a mentionné tout simplement le mot “pauvre” ; ainsi lisons-nous : “alors Jésus, levant les yeux sur ses disciples, dit: Heureux vous qui êtes pauvres, car le royaume de Dieu est à vous!” (Luc 6:20). Dans le récit de Luc, le discours est plus direct, pour ainsi dire plus affirmatif. Cependant, le récit de l’évangile de Matthieu donne plus de détails en précisant quel type de pauvre dont il s’agit[2]. Il faut garder à l’esprit, au moment même du discours de Jésus, que son audience détenait également des gens pauvres, sachant que le territoire Israélite était assiégé par l’empire Romain à l’époque. Le pays était occupé. Et, il est clair que, quand un pays est assujetti, ce dernier est toujours dans l’insuffisance et se trouve confronté à toutes sortes de précarité. Pour ainsi dire, nous pourrions imaginer un peu la réaction de cette foule qui était en train d’expérimenter la pauvreté dans le vrai sens du terme au moment de ce discours. Probablement, le mot résonnait très mal dans les oreilles de cet auditoire, étant sous l’occupation Romaine.
En fait, la pauvreté est un mot qui dérange. Couramment, ce mot décrit la réalité des conditions humaines vivant dans l’insuffisance et fait appel à la réflexion profonde sur la dignité humaine. C’est pourquoi nous entendons fréquemment dans les discours des acteurs politiques, tant au plan national qu’international, l’ardent désir de lutter contre la pauvreté. Les organisations internationales définissent et redéfinissent des stratégies d’intervention pour éradiquer, ou du moins, pour réduire le taux de pauvreté dans le monde. La pauvreté est ce qui caractérise la majorité des pays dans le monde. Ce mot, à chaque fois qu’il est prononcé dans les médias et dans les rencontres internationales, évoque un sentiment d’aversion et d’inacceptabilité. Nous nous indignons face à l’expérience quotidienne de la pauvreté. Personne ne veut être dans cet état. Cependant, en dépit du fait que les gens parlent de l’inacceptabilité de la pauvreté, il faut avouer, actuellement, que le taux de pauvreté ne cesse d’accroître dans le monde. “L'ONU s'inquiète de l'accroissement des inégalités alors que les 85 humains les plus aisés concentrent autant de richesses que les 3, 5 milliards les plus pauvres[3]. Malheureusement, c’est la dure réalité de notre planète. Elle dérange l’esprit. Elle provoque un sentiment de haine. Les gens ne cessent de dire souvent qu’ils détestent la pauvreté. Elle évoque une expérience douloureuse et provoque parfois le suicide. Et, nous pensons que la réaction observée chez les gens au sein de nos sociétés contemporaines eu égard à la situation de pauvreté matérielle du monde, n’était pas différente de celle que témoignent les gens à l'époque où Jésus tenait son discours. En d'autres termes, elle avait provoqué probablement le même sentiment d’aversion et d’indignation. Cependant, Christ inclut ce mot dans son premier discours public : heureux les pauvres en esprit. Cette première phrase a combiné deux mots de sens opposés que les spécialistes du langage appelleraient dans un tel cas un oxymore. Comment un pauvre peut-il être heureux ? Dans les lignes qui suivent nous allons analyser cette première béatitude dans le but d'en déceler son vrai sens. Pour se faire, nous allons dans un premier temps aborder ce que le pauvre en esprit n’est pas. Deuxièmement, il sera question de discuter le vrai sens de l’utilisation de la notion de pauvreté par Jésus-Christ, pour enfin traiter de la récompense promise aux pauvres en esprit.
QUELQUES IDÉES FAUSSES DE L’EXPRESSION “PAUVRE EN ESPRIT”
Tout discours est sujet à diverses interprétations. En effet, les gens ont tendance à s'approprier une compréhension de ce dernier, selon leur inclination, au lieu de le prendre pour ce qu'il est. Malheureusement, la plupart du temps, un tel processus donne lieu à la mésinterprétation, à la déformation ou bien, à l'éloignement du sens contextuel et sémantique du texte. Quand cela se produit, il arrive que les auteurs du discours se défendent, rectifient, recadrent le sens de leur propos. Les discours de Christ ne sont pas exempts de la péripétie interprétative. Pour ce qui est de cette expression, nous allons présenter et critiquer trois conceptions estimées fausses eu égard à son vrai sens. Il est vrai que le Christ n'est plus présent physiquement pour rectifier ses propos ; cependant, le contexte de son discours permet d'en déceler la vraie portée.
Ce n’est pas de la pauvreté socioéconomique
De prime abord, le discours de Jésus ne s’inscrit pas dans une perspective matérialistique de la pauvreté. Celle-ci n’a rien à voir avec la pauvreté économique et sociale des gens[4]. Le Seigneur Jésus ne s’accentue pas sur les “conditions matérielles d’existence” de l’être humain, pour reprendre une expression marxiste, dans cette béatitude. Cependant, certains interprètent ce discours dans une perspective socioéconomique. Ils croient que Christ est en train de parler de la pauvreté matérielle. D’ailleurs, pour défendre leur point de vue, ils font référence au dialogue de Jésus avec le jeune homme riche, en citant le commentaire du Christ, après que le Riche s’en allait triste parce qu’il n’a pas voulu donner son argent aux pauvres, disant “il est plus aisé qu'un chameau passe par le trou d'une aiguille, qu'il ne l'est qu'un riche entre dans le Royaume de Dieu” (Matt. 19:24). Cette perspective semble bien cadrer le récit de Luc qui lui-même n’a pas ajouté “en esprit” après le mot “pauvre”. Néanmoins, quand nous continuons à lire ce même récit de Luc sur les béatitudes, nous nous rendons compte que le contexte ne permet pas non plus de supporter une telle position.
D’ailleurs, la référence au dialogue du Christ avec le Jeune homme riche au chapitre dix-neuvième de l’évangile de Matthieu met l’emphase sur l’illusion de ce dernier qui croyait respecter toute la loi de Dieu (Matt.19:20). Christ, en lui disant de donner son argent aux pauvres pour ensuite le suivre (Matt. 19:21), lui révélait l’état de son cœur: il aimait tellement son argent qu’il était incapable de l’abandonner pour suivre Dieu. Pour ainsi dire, le commentaire de Christ, à la fin surtout, touche du droit une vérité essentielle : c’est Dieu qui doit avoir la première place dans notre vie non pas notre argent. Christ l’avait déjà souligné en disant que “nul ne peut servir deux maîtres ; car, ou il haïra l'un, et aimera l'autre; ou il s'attachera à l'un, et méprisera l'autre; vous ne pouvez servir Dieu et Mammon” (Matt.6:24). Ainsi donc, à la lumière de l’enseignement de Christ, le jeune riche avait violé le tout premier commandement du décalogue parce qu’il était cupide. Le véritable problème ce n’était pas l’argent en soi, mais son attitude face à l’argent. Pour ainsi dire, quand Christ prononçait la première béatitude, il ne faisait nullement référence à la pauvreté matérielle. C’est en ce sens que le récit de Matthieu est révélateur parce qu’il apporte plus de précision et du même coup déconstruit cette perspective.
Ce n’est pas de l'illettrisme
Une autre conception tend à considérer le pauvre en esprit comme celui qui n’est pas intellectuel[5]. Certains pensent que le Christianisme est la religion des ignorants. En toute réalité, Christ ne se réfère pas non plus à la capacité intellectuelle de l’être humain. Christ ne voit pas le pauvre en esprit comme un illettré ou quelqu’un qui sait à peine lire. Loin de là ! Puisque l’évangile de Jésus-Christ tend à transformer l’âme de tous les êtres humains. Le point commun entre l’érudit et l’illettré, le riche et le pauvre, c’est qu’ils sont tous pécheurs et condamnés selon la sainte justice de Dieu. L’Écriture, à maintes reprises, affirme qu’il n’y a pas de juste sur la terre. Le Saint Esprit, par la bouche de David, précise : “L'Eternel a regardé des cieux sur les fils des hommes, pour voir s'il y en a quelqu'un qui soit intelligent, [et] qui cherche Dieu. Ils se sont tous égarés, ils se sont tous ensemble rendus odieux, il n'y a personne qui fasse le bien, non pas même un seul” (Psaume 14:2-3). Et sous la plume de l’apôtre Paul, il continue pour dire que “tous ont péché et sont privés de la gloire de Dieu” (Romains 3:23).
Il faut souligner que dans les passages précités, il n’y a pas d’exception. Nous héritons tous la nature déchue ou pécheresse d’Adam. C’est par celui-ci que le péché est entré dans le monde (Romains 5: 12). Ainsi donc, Quand Dieu nous regarde de son trône, il ne voit pas l’être humain par rapport à sa race, à sa position sociale, à sa richesse, et à sa capacité intellectuelle. Il nous voit tous comme des pécheurs condamnés qui méritent d’être punis éternellement, mais qui dans son amour décide de faire grâce en envoyant Jésus-Christ, la deuxième personne de la trinité, mourir pour la rédemption de tous ceux qui acceptent son sacrifice. Jésus a dit lui-même sans ambiguïté dans son dialogue avec Nicodème: “car Dieu a tant aimé le monde qu'il a donné son Fils unique, afin que quiconque croit en lui ne périsse point, mais qu'il ait la vie éternelle” (Jean 3:16) ; ce, pour signifier qu’il n’y a pas de favoritisme chez Dieu (Deut. 10:17; Job 34: 19; Rom.2:11).
Quiconque reçoit le Sacrifice de Christ et accepte de le suivre comme son Seigneur a la vie éternelle. Le mot quiconque ici est la démonstration parfaite que Dieu veut sauver tous ceux qui croient. Si ce sont seulement les pauvres qui croient, seulement les pauvres auront la vie éternelle. De même, si ce sont seulement les riches qui croient réellement au Seigneur Jésus, donc seulement eux auront la vie éternelle. Pour ainsi dire, l’héritage de la vie éternelle ne dépend aucunement de notre capacité intellectuelle, mais de notre capacité à reconnaître que nous sommes perdus et que nous voulons être sauvés par Jésus-Christ.
Ce n’est ni la paresse et ni être sans motivation
Dans son commentaire sur l'expression pauvre en esprit, James Montgomery Boice utilise un mot composé "poor-spirited" (1972: 20) qui traduit l'idée de la paresse et le fait de ne pas être enthousiasmé dans la vie. Selon lui, et nous souscrivons, Christ ne fait pas référence à ce genre d'attitude non plus. Et si un Chrétien se comporte ainsi, cette attitude va à l'encontre de ce que Dieu enseigne dans sa parole. Depuis la Genèse jusqu’au dernier livre du Nouveau Testament, nous observons que les serviteurs de Dieu sont des rudes travailleurs. Le Chrétien est un acteur qui prend de l'initiative. À bien remarquer que les gens appelés par Dieu étaient des grands travailleurs. Nous pouvons citer des exemples de l’Ancien Testament comme Moïse, Saul, David, Gédéon, etc. Jésus Christ lui-même se présentait comme un rude travailleur. Non seulement il était un charpentier, mais il avait souligné pour ses opposants pharisiens que: "mon père travaille jusqu'à maintenant, et moi je travaille aussi" (Jean 5: 17, version Martin). Dans cette déclaration de Christ, il faut souligner que le père est toujours en action. Cela dit qu’il travaille toujours. De plus, le Seigneur Jésus faisait appel à douze hommes pour être ses disciples sur le champ de travail. Dieu n'a jamais choisi des paresseux pour son travail.
Dans cette même ligne de réflexion, nous pouvons citer, en dernier lieu, l'apôtre Paul. Celui-ci, quoique ayant été choisi par Dieu pour être l'apôtre de l'évangile de Christ auprès des païens, continuait à travailler. Ainsi lisons-nous, dans le livre des actes des apôtres, à propos de lui: "après cela, Paul partit d'Athènes, et se rendit à Corinthe. Il se trouva un juif nommé Aquila, originaire du Pont, récemment arrivé d'Italie avec sa femme Priscille, parce que Claude avait ordonné à tous les juifs de sortir de Rome. Il se lia avec eux; et comme il avait le même métier, il demeura chez eux et y travailla: il était faiseur de tente" (Actes 18:1-3). Et dans l'épître aux Corinthiens, nous lisons de ce même Paul ce qui suit: "nous nous nous fatiguons à travailler de nos propres mains" (1 Cor. 4:12). Non seulement Paul était un rude travailleur, mais il enseignait également aux églises qu’il ne faut pas tolérer les frères qui refusent de travailler.
Nous vous recommandons, frères, au nom de notre Seigneur Jésus-Christ, de vous éloigner de tout frère qui mène une vie désordonnée et ne suit pas les instructions reçues de nous. Vous savez vous-même comment il faut nous imiter, car nous ne nous sommes pas livrés au désordre parmi vous. Nous n'avons mangé gratuitement le pain de personne ; au contraire, nuit et jour, dans la fatigue et dans la peine, nous avons travaillé pour n'être à la charge d'aucun de vous. Non que nous n'en ayons pas le droit, mais nous avons voulu vous donner un modèle à imiter. En effet, lorsque nous étions chez vous, nous vous recommandions ceci : si quelqu'un ne veut pas travailler, qu'il ne mange non plus (2 Thess. 3: 6-10).
Cette portion de l'Écriture que nous venons de citer, affirme sans équivoque que le Chrétien doit travailler. Dans le cas contraire, il ne doit pas bénéficier des fruits de travail des autres qui se sont sacrifiés pour gagner leur pain. Pour ainsi dire, le pauvre en esprit dont parle le Seigneur Jésus ne se réfère nullement à cette catégorie de personnes.
Nous venons de dissiper certaines confusions sémantiques que l’on a tendance à appliquer au “pauvre en esprit” dans les béatitudes. Ainsi fait, maintenant il revient de présenter le vrai sens de l’expression selon contexte du discours de Christ et selon la méthode d'interprétation utilisée par Jésus lui-même : celle de se référer à l'Écriture pour interpréter l'Écriture.
LE VRAI SENS DU PAUVRE EN ESPRIT
Être dans la pauvreté spirituelle
Comme nous l'avons déjà souligné, les béatitudes s'inscrivent dans une démarche spirituelle. Elles ne sont ni culturelles, ni psychologiques, ni économiques ; et ce ne sont pas non plus un code d'éthique. Par le fait que les béatitudes sont essentiellement spirituelles, ainsi donc, cette pauvreté que Christ enseigne est spirituelle. En d'autres termes, on pourrait dire heureux ceux qui avouent leur pauvreté spirituelle, le royaume des cieux est à eux. En toute réalité, la version Second 21 traduit ce verset de la même manière : “heureux ceux qui reconnaissent leur pauvreté spirituelle, car le royaume des cieux les appartient (Matt.5:3).
Cette pauvreté spirituelle se dévoile en réalité dans le rapport de l'être humain avec le Dieu saint. Dans une telle situation, l'être humain devient conscient de son péché ou de sa totale dépossession. En réalité, il n’a rien à offrir qui peut plaire à Dieu. En fait, quand le Christ parle de pauvre en esprit, il parle de celui qui reconnaît qu'il est un pécheur qui ne peut rien faire pour mériter le salut de Dieu. James M. Boice explique le pauvre en esprit de la manière suivante :
Vous pourriez dire qu'être un pauvre en esprit c'est d'être spirituellement en faillite devant Dieu. C'est la condition mentale d'une personne qui a reconnu quelque chose concernant la justice et la sainteté de Dieu, qui est consciente de l'état de péché et de corruption de son cœur et a avoué son incapacité de plaire à Dieu (Boice, Op.Cit:.20).
L'attitude de celui qui est pauvre en esprit se définit non pas en rapport avec son environnement, ou son semblable, mais par rapport au standard de Dieu. Dans une telle perspective, ce que nous avons comme fierté humaine qui nous pousse à nous exalter, à nous regarder supérieur par rapport aux autres, à contempler la bonté en nous, devient futile parce qu'en réalité nous nous regardons à travers le prisme de la sainteté divine. Dieu est saint, nous ne le sommes pas. Nous sommes dans une situation d'échec total. Le prophète Ésaïe qui, était probablement l’un parmi les hommes les plus droits de son époque, ayant vu Dieu dans une vision, pouvait déclarer sur lui-même : “malheur à moi! Je suis perdu, car je suis un homme dont les lèvres sont impures, j'habite au milieu d'un peuple dont les lèvres sont impures, et mes yeux ont vu le Roi, l'Eternel des armées” (Ésaïe 6:5). À bien remarquer, Esaïe, étant dans la présence de Dieu, devenait conscient de son état de péché et de la situation pécheresse de son peuple et il criait sa propre destruction parce que, en contemplant la sainteté, il observait en même temps sa propre faillite, sa propre laideur. Nous ne possédons rien de bon dans la présence de Dieu. Quand nous arrivons à être conscient de notre état de faillite, de dépossession totale et que nous l'avouons sincèrement à Dieu en lui demandant de nous faire grâce, c’est à partir de ce moment-là que nous sommes des pauvres en esprit.
Le mot grec utilisé par le Seigneur Jésus-Christ pour parler des pauvres en esprit est ptōchos. Celui-ci décrit un pauvre qui demande. John Macarthur nous dit que "l'utilisation du grec classique de ce mot réfère à une personne qui est réduite à la misère totale et qui s'est accroupi dans un coin pour quémander. En tendant une main pour demander aumône, l'autre main couvre souvent son visage parce qu'il a honte d'être reconnu” (1985 : 145). En fait, ce type de pauvre évoqué par Jésus est celui qui n'a pas de ressources. Il n'a absolument rien.
Il faut faire remarquer que l'intention de Jésus-Christ est claire dans cet enseignement sur le Bonheur, sachant qu'il pouvait utiliser un autre mot grec penichros qui se réfère à un pauvre qui au moins possède quelque chose. Le penichros n'est pas totalement dépossédé. Il est vrai qu'il est dans l'insuffisance, et que ce qu'il possède est insignifiant ; cependant, il possède au moins quelque chose. S'il est vrai que les deux se trouvent dans la catégorie des pauvres, mais le penichros est mieux que le ptōchos. Quand on donne au penichros, on ajoute à ce qu'il a déjà, tandis que pour le ptōchos, il n'a que l'aumône qu'on lui donne. Pour ainsi dire, là où le penichros peut à la limite se vanter d'avoir possédé au moins quelque chose, le Ptōchos ne peut absolument pas.
En effet, Christ a utilisé des mots de la réalité socio-économique des hommes pour donner une leçon spirituelle fondamentale à son audience immédiate composée de pharisiens et de scribes. Celui qui héritera le royaume des cieux ce n'est pas celui qui croit avoir au moins quelque chose digne avec lequel il peut contribuer dans le processus, mais c'est celui qui réalise qu'il ne possède absolument rien, voulait-il faire remarque à son auditoire. Nous pouvons comprendre qu'un tel discours était dérangeant pour les pharisiens légalistes qui pensaient qu'ils pouvaient compter sur leur force de travail pour avoir le salut.
Cette approche de Christ reste encore choquante pour les hommes religieux d'aujourd'hui qui pensent que l'homme de par lui-même peut atteindre Dieu. Impossible. L'être humain ne peut rien faire pour atteindre Dieu. L’idée qui est d’ailleurs exprimée dans les textes d’Esaïe 64:6-7b : "Nous sommes tous comme des impurs, Et toute notre justice est comme un vêtement souillé; Nous sommes tous flétris comme une feuille, Et nos crimes nous emportent comme le vent. Il n'y a personne qui invoque ton nom, Qui se réveille pour s'attacher à toi" ; et d’Éphésiens 2 v 9 : "Ce n'est point par les œuvres, afin que personne ne se glorifie". L'effort personnel de l'homme est vain.
La théorie de la pensée positive ainsi que la logique de l'énergie intérieure se heurtent à l'idée du pauvre en esprit. Le véritable problème de l'être humain ne va jamais être résolu dans la répétition d'un certain nombre de formules phrastiques comme "je suis capable", "je suis fort", "je peux", colportées par la doctrine de la pensée positive. Christ nous dit clairement que le secret du bonheur ce n'est pas dans ces déclarations inutiles ; mais c’est en avouant notre incapacité à plaire Dieu, en reconnaissant notre misère spirituelle devant le Dieu créateur, que nous pourrons réellement être heureux. Par ailleurs, l'idée que l'être humain est bon se heurte également à cet enseignement de Christ. Rousseau faisait comprendre que l’homme est né bon, mais la société le corrompt. Cette simple première béatitude de Christ déconstruit totalement cette déclaration. D'ailleurs, bien avant Jésus-Christ de Nazareth, le Psalmiste David reconnaissait que, en tant qu'un être humain, il est né dans le péché et conçu dans l'iniquité (Ps. 50: 5). C'est une vérité biblique valable pour toute la race humaine. Tout simplement, le Christ a fait savoir que celui qui arrive à prendre conscience de cet état, et qui avoue qu'il est totalement vide, est un pauvre en esprit devant Dieu. Il est heureux non pas parce que son objectif premier est de trouver le bonheur, mais parce qu'il veut être en bonne relation avec Dieu en sachant qu'il n'y peut rien, Ainsi, il ne fait que demander à Dieu de résoudre son problème comme le pauvre quémandant.
LE ROYAUME DES CIEUX : RÉCOMPENSE DES PAUVRES EN ESPRIT
Par le fait que celui qui est pauvre en esprit avoue sa misère totale, sa faillite absolue devant Dieu, Jésus déclare qu'il héritera les cieux. Il est important de remarquer que ce sont ceux qui reconnaissent leur pauvreté spirituelle qui sont heureux. Ils le sont parce que Dieu leur promet le royaume des cieux. En fait, ce qu'il faut voir par-delà de cet enseignement, c'est que Dieu donne à ceux qui n'ont pas, mais non pas à ceux qui croient avoir. Celui qui reçoit le pardon de Dieu est celui qui reconnaît son péché et qui s'en repent d'un cœur sincère. C'est en quelque sorte l'idée que Jésus Christ a illustrée, par ailleurs, dans la présentation de la parabole du pharisien et du publicain. Ainsi nous lisons :
Il dit encore cette parabole, à l'intention de certaines personnes qui étaient convaincues d'être justes et qui méprisaient les autres: «Deux hommes montèrent au temple pour prier; l'un était un pharisien, l'autre un collecteur d’impôts. Le pharisien, debout, faisait cette prière en lui-même: ‘O Dieu, je te remercie de ce que je ne suis pas comme les autres hommes, qui sont voleurs, injustes, adultères, ou même comme ce collecteur d’impôts. Je jeûne deux fois par semaine et je donne la dîme de tous mes revenus.’ Le collecteur d’impôts, lui, se tenait à distance et n'osait même pas lever les yeux au ciel, mais il se frappait la poitrine en disant: ‘O Dieu, aie pitié de moi, qui suis un pécheur.’ Je vous le dis, lorsque ce dernier descendit chez lui, il était considéré comme juste, mais pas le pharisien. En effet, toute personne qui s'élève sera abaissée, et celle qui s'abaisse sera élevée » (Luc 18: 9-14).
Bien avant de nous attarder de manière succincte sur le contenu de cette parabole, nous tenons à remarquer que les quatre premières béatitudes trouvent leur expression dans cette dernière. Cela dit, nous y voyons le pauvre en esprit, ne possédant que son péché, qui s'afflige sur son état devant Dieu. Ce qu'il faut comprendre à ce niveau, sachant que sa seule véritable planche de Salut c'est Dieu, il s'afflige en regardant la sainteté Dieu parce qu'il veut totalement dépendre de Dieu. Cela amène à entrevoir la quatrième béatitude qui met l'emphase sur toute personne qui est assoiffée et affamée de la justice de Dieu. En fait, comme nous pouvons le remarquer, c'est parce que le publicain avait soif et faim de la justification de Dieu qu'il se présentait devant lui de cette manière. Dans le cadre de ce texte, nous voulons surtout mettre l'emphase sur l'attitude du pharisien et du publicain. Il est question d'illustrer la véritable attitude du pauvre en esprit.
Pour ce qui concerne cette parabole, il faut remarquer que Luc nous donne précisément la raison pour laquelle le Seigneur Jésus en fait mention. Il la racontait dans le but de faire connaître à ceux qui croient qu’ils sont justes devant Dieu, mais qui en réalité ne le sont pas. Le Seigneur Jésus voulait faire comprendre clairement qu’ils sont dans l’erreur. Pour bien exprimer ses idées, il avait bien choisi ses personnages: pharisien qui est un légaliste, un homme pieux de haute considération aux yeux du peuple juif et un publicain, le plus détesté au sein du peuple Israël. Il faut dire qu’à l’époque, dire à quelqu’un qu’il est un publicain, c’était l’injurier au plus haut niveau. Mais Christ construisait sa parabole avec ces personnages.
Aussi, faut-il souligner que, dans la scène, Christ avait expressément construit la parabole avec des éléments référentiels connus de tout son auditoire. Alors, cela va de soi d’examiner l’attitude ainsi que les démarches des personnages pendant qu’ils s’approchaient devant Dieu.
Quand nous analysons la prière du pharisien, il y a deux éléments que nous soulignons. D'abord, il croyait être bon aux yeux de Dieu. Il se croyait être juste devant Dieu à partir des œuvres qu'il a accomplies. Ensuite, il se définissait par rapport à son semblable devant Dieu. Mais il faut remarquer que ce dernier était dans l'illusion totale. D'ailleurs, il était un orgueilleux qui se croyait être supérieur aux autres, en ce sens qu'il se justifiait devant Dieu en se comparant au publicain. Ce pharisien n'avait pas compris que seul Dieu, connaissant les cœurs, peut justifier les hommes. Aveuglé par son ritualisme, il n’avait pas compris que ce Dieu à qui il s’adressait fait grâce aux humbles, mais résiste aux orgueilleux (Job 22:29; Prov. 29:23; Jac.4:6: 1 Pie.5:5). Se mettant debout d’une voix forte, qui peut être probablement un signe de non-respect, il comptait ses bienfaits devant Dieu, lesquels selon lui exprimaient le résultat de sa droiture.
Pour ce qui concerne la prière du publicain par contre, celui-ci se trouvait dans une consternation totale par rapport à sa situation de péché devant Dieu. Il reconnaissait ses fautes. Il faut souligner que le Christ relate que ce publicain n'osait même pas lever ses yeux devant Dieu. Avec un cœur brisé et contrit, il se plaignait sur son propre sort, il se condamnait en se battant la poitrine. Ce dernier, éventuellement, pendant son existence, dans une perspective humaine, avait semé quelques bons grains au profit des autres. Mais, il n'osait même pas les porter devant la face de Dieu, car, il savait qu'ils ne serviraient à rien. Il savait que ses œuvres dites bonnes n’étaient que du vent. Elles ne faisaient aucun poids dans la balance de la justice de Dieu. Qu'est-ce qu'un homme ou une femme peut offrir par lui-même pour faire plaisir à Dieu? Rien. Absolument rien. Le publicain était conscient de cela. Pendant que l'autre se vantait, lui il pleurait sur son péché et implorait la faveur et le pardon de Dieu.
Après avoir raconté cette parabole, Jésus concluait pour dire que seul le publicain était parti justifié. Probablement, la foule ne s’attendait pas à une telle conclusion. Sachant, à l’époque, la grande appréciation que le peuple exprimait à l’égard des pharisiens, la note de Christ était inespérée. La conclusion finale de Christ allait à l’encontre de toute attente.
La justification de Dieu n'est pas pour celui qui croit l’avoir méritée, mais pour celui qui reconnaît qu’il en a grand besoin. La justification de Dieu n’est pas pour celui qui se vante de ses bonnes œuvres, mais pour celui qui a le cœur brisé à cause de son péché. Cela fait penser au Psalmiste qui, dans cette même ligne d'idée, pouvait écrire: "les sacrifices qui sont agréables à Dieu, c'est un esprit brisé et contrit: ô Dieu! Tu ne dédaignes pas un cœur brisé et contrit" (Ps. 51: 17). Seul celui qui a le cœur brisé, à cause de son état de dépravation, peut jouir de la faveur de Dieu.
L'idée de l'héritage du ciel ou de la vie éternelle comme récompense de Dieu aux pauvres en esprit enseigné par Jésus, a été déjà exprimée en quelque sorte par Dieu le Père lui-même par la bouche du prophète Ésaïe, en précisant: "car ainsi parle le Très- Haut, dont la demeure est éternelle et dont le nom est Saint: j'habite dans les lieux élevés et dans la sainteté; mais je suis avec l'homme contrit et humilié, afin de ranimer les esprits humiliés, afin de ranimer les coeurs contrits" (Ésaïe 57:15). La grâce de Dieu n’est pas pour l’orgueilleux, mais pour l’humble. Le ciel n’est pas pour celui qui croit la mériter, mais pour celui qui croit qu’il ne la mérite pas. C’est l’illusion même des religions du monde. Elles fourvoient les gens dans le mensonge en leur enseignant qu’ils peuvent atteindre le ciel par de bonnes œuvres. Nous ne disons pas qu’il ne faut pas aider ses semblables. Il faut faire du bien avec les gens qui sont dans le besoin; c'est une responsabilité commune des êtres humains. Mais, ces œuvres ne peuvent en rien nous aider à gagner la justice de Dieu. Le pharisien faisait étalage de ses œuvres devant Dieu, mais il partait dans la déception totale.
Il faut être vide pour que l’on soit rempli par la suite ; c’est ce que nous apprend la première béatitude ainsi que cette parabole. Le pharisien vient avec son cœur rempli de ses œuvres religieuses, mais il est parti vide, c’est-à-dire non justifié; tandis que le publicain, venant avec le cœur vide devant Dieu, est parti avec le cœur rempli de la justice de Dieu. Pour épiloguer, il serait important de considérer la réflexion de Martin Llyod Jones sur cette béatitude. Selon lui, cette béatitude qui commence la série se révèle indispensable, en raison du fait qu’elle est une condition nécessaire pour comprendre les autres béatitudes. Elle est la première étape qui ouvre la voie, car toutes les autres en dépendent. Lisons ce que Jones a dit précisément: “il est la caractéristique fondamentale du chrétien et du citoyen du royaume de Dieu, et toutes les autres caractéristiques sont en un sens le résultat de celui-ci” (1976: 33). Heureux les pauvres en esprit car le royaume des cieux est à eux (Matt.5:3)
Mauley Colas
Vice-président de Standing 4 Christ Ministry
Anthropo-Sociologue
Écrivain, chercheur
Références citées
James Montgomery BOICE, The Sermon on the Mount, Matthew 5-7, Grand Rapids: Bakerbooks, 1972.
John MACARTHUR, The MacArthur New Testament commentary, Matthew 1-7, Chicago: Moody Publishers: 1985.
Martyn LLYOD-JONES, Studies in the Sermon on the Mount, 2nd ed Grand Rapids/Cambrigde: William B. Eerdmans Publishing Compagny, 1976.
[1] Voir Mauley Colas, “particularité de l’enseignement de Jésus sur le “bonheur”, disponible en ligne sur : http://www.s4cministry.org/le-bonheur-selon-jeacutesus.html
[2] Il ne faut pas voir de contradiction dans les récits de Matthieu et de Luc. Il faut, de préférence, voir de la complémentarité. Matthieu donne plus de détails que Luc surtout sur les béatitudes.
[3] L’international disponible en ligne sur http://www.lemonde.fr/international/article/2014/07/24/la-pauvrete-dans-le-monde-touche-plus-de-2-2-milliards-de-personnes_4461860_3210.html
[4] Il est important de faire remarquer quand nous disons, dans le contexte des béatitudes, que Jésus-Christ n’aborde pas la notion de pauvreté dans son sens socioéconomique, cela ne veut pas dire que Christ est insensible à la souffrance économique en général. Christ s’est intéressé à cet aspect de la vie humaine également. Avons-nous appris des Évangiles qu’il a nourri des gens qui avaient faim (Jean 6: 1-12; Matthieu 15: 36) ? Non seulement cela, mais le Seigneur enseigne qu’il faut partager à ceux et celles qui sont dans le besoin (Matthieu 5:42).
[5]Ceux qui pensent que ce sont les non intellectuels qui hériteront la vie éternelle se trompent grandement. Car s’ils se donnent le temps de faire l’histoire du développement du Christianisme, ils se rendront compte clairement que l’évangile de Jésus-Christ a transformé la vie de bon nombres d’intellectuels qui, par la suite, devenaient des défenseurs de la foi en Christ. De plus, en se référant à la parole de Dieu, la Bible, nous avons l’exemple parfait de Dieu qui avait utilisé différente catégorie de gens de différente capacité intellectuelle pour se révéler à l’humanité. Pour ce qui est des intellectuels de qualité comme écrivains de la Bible, on a par exemple: Salomon, Paul, Luc. Pour les grands savants qui ont cru dans le message du Salut par la foi en Jésus-Christ, nous pourrions énumérer une liste aussi longue que possible, mais pour gagner du temps, nous voulons tout simplement faire mention des plus connus comme le philosophe Aurelius Augustin, connu sous le nom de Saint Augustin (345-430), le physicien Johannes Kepler (1571-1630), le philosophe René Descartes, le Philosophe C. S Lewis (1898-1963). Dans notre époque contemporaine, nous avons toujours des grands penseurs dans tous les domaines de connaissance qui sont des Chrétiens comme John Lennox qui est professeur de Mathématiques à oxford; nous avons Francis Seller Collins, grand biologiste pour nommer ces deux noms-là.